L’œuvre de Sandra Szurek frappe dès l’abord, mais par des voies inattendues. Elle peut sembler traditionnelle en ce que s’y laissent reconnaître les thèmes classiques de la peinture : figures, paysages, natures mortes, scènes narratives, où souvent passent une nostalgie de Venise et d’Orient.
Sa profonde originalité se révèle cependant. Non par l’outrance, les tons stridents, les formes acerbes, mais par les teintes rares et les effets mesurés que permettent l’huile, l’acrylique et les textures mixtes où se mêlent délicatement le pastel, le sable, la gouache.
Car cet art s’impose mais ne se livre pas. Le premier regard ne suffit pas à en saisir les ressorts et l’enjeu. Son milieu vital est le temps, pas seulement l’espace. Entre l’abstraction et la figuration, entre suggestion et description, entre lieu et l’instant, c’est un art de la révélation et du passage, qui vise l’invisible et fixe ce qu’il a cru voir. Qui conserve aussi, dans le frémissement de la découverte, la tension de la recherche. Par des moyens d’une grande sobriété, couleurs insolites dans leur retenue, formes qui osent une suave beauté au rebours des poncifs de l’époque, l’artiste déploie sans effort une musicalité sereine mais précaire et même secrètement inquiétante.
Elle capture l’instant menacé où la couleur n’est pas encore la forme, la pensée pas encore la présence, où la conscience s’éveille mais ne maitrise pas ce qu’elle conçoit. Poésie de la perte et de l’attente, entre le révolu et le pressenti, elle réussit l’exploit, souvent rêvé, jamais atteint, de peindre justement le rêve.
J.M.D