PEINDRE

On travaille en compagnie du temps qui fait son oeuvre, souvent à son insu. Certains thèmes reviennent régulièrement, presque par effraction. Mais leur « représentation » ne cesse d’évoluer, influencée par l’apparition d’autres thèmes ou la recherche de nouveaux univers. Je vois ce travail aller vers toujours plus de simplicité, d’économie de formes, de couleurs, jusqu’à en devenir presque monochrome. Mais jusqu’où, jusqu’à quand ? Impossible d’y répondre.


Capturer la mémoire

Je cherche à capturer la mémoire. La mienne d’abord : rien d’extérieur ici, même ce qui existe, mais tout ce qui forme un souvenir, une image, une sensation, un sentiment, une émotion, une révolte, une indignation, une colère. C’est un incessant travail de mémoire, du plus lointain au plus proche, jusqu’à chercher à capturer ce qui pourrait advenir.
A travers le travail de la mémoire, il m’arrive de visiter et revisiter la mythologie dont ma culture est nourrie, l’Orient qui m’a bercée, Venise, éternelle énigme amoureuse, le théâtre dont j’aime la topographie. Mais aussi de saisir la nature en rupture de ban, furie en fureur, notre violence, et la croyance dont les interrogations me laissent sans réponse.


Loin des mots, « Inexprimer l’exprimable »

Mais il n’est pas question de mots et d’histoires. Comme le dit Roland Barthes : « On entend souvent dire que l’art a pour charge d’exprimer l’inexprimable : c’est le contraire qu’il faut dire (sans nulle intention de paradoxe) : toute la tâche de l’art est d’inexprimer l’exprimable, d’enlever à la langue du monde, qui est la pauvre et puissante langue des passions, une parole autre, une parole exacte. » (Essais critiques).


La peinture comme silence

D’une certaine façon la peinture est née chez moi de l’aversion des mots pour traduire ce qu’il me fallait exprimer. Ce que j’aime dans la peinture, c’est son silence, un silence qui en dit long.



Le regard de l’Autre

Dans la peinture, qui est autant l’œuvre de la main de l’un que l’oeuvre du regard de l’autre, chacun doit garder sa liberté, sans que l’œil de l’un soit guidé par la main de l’autre, pas plus qu’il ne peut prétendre la guider à son tour. La surface enfin révélée à la vue, il n’y a plus rien à expliquer. A chacun la liberté de se laisser porter là où son regard l’emporte et à y mettre les mots que sa vue lui suggère.